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« Le rôle du SST ne se limite pas à celui de secouriste »

Dans cette interview, nous avons le plaisir de rencontrer David Koubi, formateur en prévention des risques, qui partage avec nous son parcours et son expérience dans le domaine de la formation professionnelle. De ses débuts dans les études de sport à son parcours varié en tant que pompier, intermittent du spectacle et maintenant formateur, David nous explique ce qui l’anime dans ses interventions en SST, PRAP IBC et prévention incendie.
À travers ses réponses, il dévoile les éléments essentiels qui motivent son approche pédagogique et les stratégies qu’il met en place pour sensibiliser les stagiaires à la sécurité, tout en adaptant ses formations aux besoins spécifiques de chaque public. Une interview pour ceux qui souhaitent comprendre les enjeux de la prévention des risques au travail et la manière dont un formateur peut véritablement faire la différence.
David, quel a été votre déclic pour vous lancer dans la formation en prévention des risques ?
D.K : J’ai d’abord entrepris des études pour devenir professeur d’EPS, en suivant un DEUG et une licence. À cette époque, je ne me sentais pas bien pour diverses raisons, ce qui m’a poussé à tout arrêter. J’ai décidé de faire mon service militaire, que j’ai effectué chez les pompiers de Paris, et j’y ai pris beaucoup de plaisir. Toutefois, certains aspects militaires ne me convenaient pas, et je n’ai pas souhaité m’y installer durablement. J’ai donc arrêté le service militaire et repris mes études, tout en me lançant comme pompier volontaire. J’ai exercé cette fonction pendant plusieurs années, avant de saisir une opportunité de travailler comme intermittent du spectacle dans le domaine de l’acrobatie et de la cascade. J’ai notamment travaillé sur le spectacle de Tarzan à Disney, pendant plusieurs saisons.
En parallèle, je me suis marié, et comme ma femme était danseuse, je ne souhaitais pas que nous soyons tous les deux intermittents du spectacle, avec les incertitudes liées à ce statut. Le côté pompier me plaisait toujours autant, et étant souvent chez Disney, où il y avait une équipe de pompiers privés, j’ai passé le concours, que j’ai réussi, et je suis devenu pompier privé à Disney. J’y ai travaillé pendant 20 ans. Après un divorce, j’ai pris la décision de ne pas continuer dans ce métier, car la vie de pompier n’est généralement pas longue, et cela devenait difficile, notamment avec la gestion de mes enfants en tant que père divorcé.
Lors de la crise du Covid, une rupture conventionnelle collective a été proposée, et j’ai sauté sur l’occasion pour quitter l’entreprise. C’était peut-être le signal que j’attendais. J’avais envisagé une reconversion professionnelle, notamment en tant que coach sportif, mais en tant que pompier, il est difficile de sortir de ce milieu. Pendant le confinement, j’ai monté une société d’électro-stimulation, mais je me suis rapidement rendu compte que ce n’était pas ce que je voulais faire à long terme.
C’est à ce moment-là que l’idée de la formation m’est apparue comme une évidence. J’avais déjà des bases en secourisme et en incendie, et des amis travaillant dans la formation m’ont encouragé à me lancer. De plus, ma compagne était également dans une démarche similaire. J’ai donc passé mon SST et j’ai débuté ma carrière de formateur. Avec mes connaissances en anatomie, acquises lors de mes études pour devenir professeur d’EPS, j’ai approfondi des thématiques telles que les gestes et postures. J’ai également suivi une formation en PRAP, ce qui m’a permis de compléter mon expertise en prévention des risques liés à l’activité physique. Bien sûr, l’incendie reste un domaine fondamental de mon parcours, avec des formations sur l’utilisation des extincteurs et les évacuations. Depuis, j’ai élargi mes thématiques, notamment avec des formations sur les échafaudages et d’autres sujets en lien avec mes compétences. Voilà comment je suis devenu formateur.
Ce qui m’anime, c’est de transmettre un savoir. Je tente toujours de rendre les informations simples et pratiques.
Vous intervenez aussi bien en SST, PRAP IBC qu’en prévention incendie. Qu’est-ce qui vous anime dans ces domaines ?
D.K : Tout d’abord, ce qui m’anime, c’est de transmettre un savoir, un peu comme on enseigne aux enfants à gérer et développer leurs capacités physiques. Aujourd’hui, par exemple, j’ai travaillé avec un groupe de professionnels dans une entreprise à la pointe de l’innovation en IA, et certains d’entre eux n’avaient aucune connaissance en matière d’incendie. Ils n’avaient jamais suivi de formation incendie auparavant. Je leur ai expliqué le fonctionnement de la sécurité incendie du bâtiment. L’idée n’est pas d’entrer dans des détails techniques complexes, mais de leur fournir les bases pour qu’ils comprennent le système et se sentent à l’aise avec ces notions. Je fais la même chose pour l’utilisation des extincteurs : je tente toujours de rendre les informations simples et pratiques.
Cela s’applique à toutes les thématiques que je traite. Par exemple, en expliquant pourquoi les extincteurs sont placés à certains endroits dans l’entreprise, je fais aussi le parallèle avec leur utilisation à la maison, afin de rendre la formation plus ludique et accessible. Mon objectif est de rendre chaque session pertinente en trouvant ce qui va plaire et motiver les participants. Lorsque je fais du SST, je choisis des cas concrets adaptés aux différents métiers, car ce qui intéresse un secteur ne sera pas forcément pertinent pour un autre. Il s’agit de m’adapter et de trouver ce qui va capter leur attention et les encourager à s’investir pleinement dans la formation.
Lorsque vous formez, sur quoi insistez-vous le plus auprès des stagiaires ?
D.K : Dans un cadre professionnel, il est essentiel de revenir sur le code du travail. Il est important de leur parler des obligations légales, car l’employé n’est pas seul à avoir des responsabilités, l’employeur en a également. La CARSAT et l’INRS imposent à l’employeur le respect de ces obligations. J’essaie d’aider l’employé à comprendre pourquoi et comment l’employeur est contraint d’agir ainsi. Par exemple, si des équipements de protection individuelle (EPI) sont manquants, l’employeur peut être confronté à des demandes de la sécurité sociale, qui pourrait même refuser de reconnaître un accident de travail. Je m’efforce de leur faire prendre conscience que, parfois, ce n’est pas l’employeur qui est perçu comme difficile, mais simplement qu’il n’a pas d’autre choix que de respecter ces règles.
Je ne me limite pas à l’aspect juridique. Je mets également l’accent sur la dimension pratique. Le PRAP ne se réduit pas seulement aux gestes et postures, il s’agit aussi de les amener à réfléchir sur leur propre posture. Celle-ci aura des répercussions aujourd’hui, mais aussi à long terme. Mon objectif est de leur faire comprendre qu’ils ont un rôle actif à jouer, que ce soit dans la gestion de leur posture ou en matière de SST.
Mettre l’accent sur la prévention pour éviter les accidents.
Selon vous, qu’est-ce qui change vraiment après une formation SST en entreprise ?
D.K : Ce que j’espère, c’est que le rôle du SST ne se limite pas uniquement à celui de secouriste. Le SST a en réalité trois missions : la prévention, l’intervention en tant que secouriste, et le rôle de consultation après les accidents. Bien que le rôle du SST en tant que secouriste soit largement reconnu, l’idée est de mettre l’accent sur la prévention pour éviter les accidents. Car, en évitant les accidents, on n’a plus besoin de recourir aux gestes de secourisme, ce qui est d’autant plus intéressant.
Un accident entraîne souvent des arrêts maladie ou des accidents de travail. Et qui en subit les premières conséquences ? Le salarié, bien sûr. Mais l’impact va bien au-delà : l’entreprise en souffre également, car un salarié manquant signifie qu’une tâche ne sera pas accomplie. Les collègues sont également affectés, et il y a un aspect financier non négligeable. Mon objectif est de leur faire prendre conscience de toutes ces implications.
Sur les formations PRAP IBC, quels sont les gestes ou réflexes que les salariés sous-estiment souvent ?
D.K : Le travail du dos est souvent sous-estimé. De manière générale, la formation PRAP est perçue comme moins intéressante que le SST, notamment parce que le SST offre un côté très pratique, tandis que le PRAP est davantage axé sur la réflexion. Le PRAP demande plus d’analyse de son propre poste de travail. Cela commence par une analyse posturale, en tenant compte de l’anatomie et de la gestion de son propre corps. Il y a donc un travail plus profond et analytique à effectuer. Le PRAP est donc plus centré sur la réflexion, tandis que le SST se concentre sur l’action immédiate.
Dans les bureaux, cette approche peut sembler moins excitante, mais dans les ateliers, elle prend tout son sens. Après avoir effectué cette analyse, j’essaie de prendre des photos des employés sur leur lieu de travail, afin qu’ils puissent analyser concrètement leur environnement. Cela rend l’analyse plus tangible que de simplement leur montrer des images.
En prévention incendie, quelles réactions ou prises de conscience observez-vous le plus souvent chez les participants ?
D.K : Ils prennent conscience des raisons pour lesquelles la réglementation impose certaines mesures au travail : pourquoi il y a des extincteurs, des issues de secours, des portes coupe-feu, pourquoi ces éléments ne doivent pas être bloqués, et pourquoi il peut y avoir des systèmes d’évacuation de fumée. Ils prennent également conscience de la rapidité avec laquelle le feu peut se propager.
Vous êtes ouvert aux nouveaux formats comme la réalité virtuelle. Qu’est-ce que cela pourrait apporter de plus, selon vous ?
D.K : La réalité virtuelle est vraiment intéressante, elle apporte un côté ludique qui capte l’attention, même des personnes parfois réfractaires. Dans le cadre de la formation incendie, cela peut être particulièrement pertinent. J’ai récemment eu un groupe de novices en incendie, et après leur avoir fait vivre une simulation avec un bac à feu, ils ont pris pleinement conscience des dangers du feu. Cependant, si on leur propose toujours la même expérience chaque année, cela devient répétitif. Avec la réalité virtuelle, chaque session devient une nouveauté, ce qui permet de renouveler l’intérêt et de voir les choses sous un autre angle.
À Paris, il est compliqué de réaliser des exercices avec des bacs à feu, surtout s’il n’y a pas d’espace comme un rooftop ou un parking souterrain. On ne peut pas faire ça dans la rue ou dans un cours intérieur. Par contre, en utilisant la réalité virtuelle ou augmentée, je peux simuler ces situations même au quatrième ou cinquième étage. Même si les participants ne ressentent pas la chaleur du feu, ils peuvent tout de même vivre l’action. Par exemple, ils peuvent déclencher un extincteur, constater que cela ne fonctionne pas, puis procéder à l’évacuation. Il y a ainsi une continuité d’action dans le processus de formation.
Je pense que ces deux formats peuvent se compléter. On pourrait envisager une année avec des exercices réels et une autre avec la réalité virtuelle, permettant ainsi d’éviter la monotonie tout en enrichissant l’apprentissage. C’est un outil supplémentaire, apprécié de manière générale, car il est à la fois ludique et innovant.
À ceux qui disent « nous n’avons pas le temps de former nos équipes », que leur répondez-vous ?
D.K : Le temps peut toujours se trouver. En réalité, ils n’ont pas vraiment le choix, car cela fait partie du code du travail. Par exemple, en matière de prévention incendie, la réalisation d’exercices est obligatoire, tout comme la formation. Ce sont des obligations légales. Pour le SST, bien qu’il ne soit pas nécessaire de former l’ensemble du personnel, un minimum de formation est exigé. Les employeurs doivent donc prévoir du temps pour cela. L’idée est de s’organiser pour faire tourner les formations et de trouver ce créneau. Cependant, il faut aussi reconnaître qu’une partie de la réussite dépend du volontariat des salariés. Lorsque le personnel est motivé, cela facilite grandement la mise en place et l’efficacité des formations.
Et si un formateur hésitait à se lancer dans le SST ou le PRAP IBC, que lui diriez-vous ?
D.K : Pour aider un formateur à faire son choix, je dirais que cela dépend de son parcours, de ses préférences, de ce qu’il aime faire et des types de contacts ou de transmissions qu’il recherche. Le PRAP et le SST partagent une approche commune au départ, qui est plutôt règlementaire. Ce qui est génial avec ces formations, qu’il s’agisse du SST, de la prévention incendie ou même de l’échafaudage, c’est qu’elles reposent toutes sur la même trame de prévention. L’objectif est toujours de sensibiliser les stagiaires à l’idée que la sécurité prime. Nous ne cherchons pas à leur imposer quoi que ce soit, mais à leur faire comprendre qu’en mettant la sécurité en avant, on limite les accidents. Moins d’accidents signifie que, en tant que salarié, vous serez moins impacté : vous éviterez de vous blesser, de subir des conséquences financières, ou encore de mettre votre famille en difficulté. C’est la première chose qu’il faut faire comprendre.
Ensuite, il est important de savoir où le formateur se sent le plus à l’aise, en fonction de son expérience et de ses préférences. Par exemple, un collègue qui était électricien se sent beaucoup plus à l’aise avec les habilitations électriques, et bien qu’il soit capable de faire de la formation incendie, il ne s’y retrouve pas autant. Une fois que l’on maîtrise certaines compétences, on peut les enseigner, mais il faut tenir compte de son parcours et de ce que l’on aime faire. Pour ma part, je suis très à l’aise avec le secourisme, donc le SST est ma spécialité, j’y prends beaucoup de plaisir. En revanche, si un formateur est plus à l’aise dans la réflexion, dans l’aspect théorique, il pourra peut-être se tourner davantage vers le PRAP, qui demande un travail de réflexion. En fonction de son parcours et de ses affinités, un formateur va naturellement s’orienter vers certaines thématiques.
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